Avec son premier long-métrage, co-réalisé avec le cinéaste aguerri Christoph Schaub – par ailleurs fin connaisseur de l'architecture –, la réalisatrice zurichoise Beatrice Minger, 45 ans, signe un petit chef-d'œuvre. Mélangeant le documentaire et la fiction, elle retrace l'histoire de la maison E.1027, construite en 1929 non loin de Monaco par la designer irlandaise Eileen Gray et le théoricien de l'architecture Jean Badovici. Accrochée à une côte rocheuse inhospitalière, la maison était conçue comme un refuge lumineux et aéré pour Gray et son amant de l'époque, Badovici, fervent défenseur du jeune Le Corbusier. Mais en 1931, Gray quitte définitivement la maison et la cède à son compagnon, de 15 ans son cadet, exaspérée par le tapage et l'activité permanente qui y régnait. Ce n'est qu'après son départ que Le Corbusier découvre la sobriété inspirée de l’œuvre de Gray, envers laquelle il nourrit un mélange d'admiration et de jalousie. Quelques années plus tard, l'architecte star recouvre les murs intérieurs de fresques colorées. Gray ne découvre cette «profanation» qu’en 1946 et demande, en vain, que les peintures soient effacées. Encore un exemple d'outrecuidance masculine? C'est bien le cas, hélas. Beatrice Minger et Christoph Schaub reconstituent cette affaire avec trois acteur·trices dont les pensées et paroles sont principalement présentées sous forme de monologues intérieurs. Le deuxième refuge de Gray, situé dans les collines de Menton, est évoqué par un décor de théâtre, tandis que des témoignages de l'époque se mêlent au déroulement de l'action. Si ce parti pris formel paraît d’abord académique, il finit par emporter notre adhésion grâce à une mise en scène ludique et des documents saisissants, soutenus par une partition jazz à la légèreté aérienne signée Peter Scherer. Le final sans paroles, qui résume la suite de l'histoire de la maison, est une véritable prouesse de montage d'une grande force suggestive. Ironie de l'histoire, le sentier côtier qui passe devant la maison de Gray porte encore aujourd'hui le nom de Le Corbusier, à cause d'une simple cabane en rondins qu'il y a construite.

With her first feature-length film, co-directed by the experienced architecture specialist Christoph Schaub, the 45-year-old Zurich director Beatrice Minger delivers a small masterpiece. Her docufiction tells the story of the house E.1027, which the Irish designer Eileen Gray and the architectural theorist Jean Badovici built close to Monaco in 1929. The house, clinging to the inhospitable rocky coast, was intended as a light and airy retreat for Gray and her then-lover Badovici, who was a champion of the young Le Corbusier. But in 1931 Gray left the house for good and signed it over to her 15-year-younger lover, because she was annoyed by his fuss and constant activity around it. Only after she had moved out did Le Corbusier, glowing with admiration and envy, discover Gray's elegant design, and a few years later the star architect painted its interior walls with colourful frescoes. Grey only found out about the defacement in 1946 and demanded its removal in vain. So is this another case of male arrogance and overreach? Unfortunately yes. Minger & Schaub stage it with three actors, whose statements and thoughts are mostly overdubbed with original documents. They suggest Gray's second retreat in the hills of Menton with a stage set, weaving contemporary testimony into the plot. The stylisation initially seems academic, but thanks to the playful implementation and the striking documents, it develops a peculiar charm, to which a feather-light jazz score (Peter Scherer) contributes. The wordless finale, which summarises the subsequent history of the house, is a highlight of atmospherically dense editing. Incidentally, the riverside path that passes Gray's house is still named after Le Corbusier to this day because of a simple log cabin he built around the corner.

Mit ihrem ersten langen Film, der in Co-Regie mit dem erfahrenen Architektur-Filmer Christoph Schaub entstand, ist der 45-jährigen Zürcher Regisseurin Beatrice Minger ein kleines Meisterstück geglückt. In einer Mischung von Spiel- und Dokumentarfilm rollt sie die Geschichte des Hauses E.1027 auf, das die irische Designerin Eileen Gray und der Architekturtheoretiker Jean Badovici 1929 unweit von Monaco bauten. Das an unwirtlicher Felsküste klebende Haus war als lichter und luftiger Rückzugsort für Gray und ihren damaligen Geliebten Badovici gedacht, der ein Vorkämpfer des jungen Le Corbusiers war. Doch schon 1931 verliess Gray das Haus für immer und überschrieb es ihrem 15 Jahre jüngeren Freund, da ihr dessen Brimborium und Dauerbetrieb darum auf die Nerven ging. Nach ihrem Auszug erst entdeckte Le Corbusier, glühend vor Bewunderung und Neid, Grays schlichten Wurf, ein paar Jahre später bemalte der Stararchitekt die Innenwände mit bunten Fresken. Grey erfuhr erst 1946 von der Verunstaltung und verlangte vergeblich ihre Entfernung. Ein weiterer Fall von männlicher Anmassung und Übegriffigkeit also? Leider ja. Minger & Schaub inszenieren ihn mit drei Schauspieler:innen nach, deren Aussagen und Gedanken mehrheitlich als innere Monologe zu hören sind. Grays zweites Refugium in den Hügeln von Menton deuten sie mit einem Bühnenbild an, in die Spielhandlung flechten sie Zeitzeugnisse ein. Die Stilisierung mutet anfänglich akademisch an, entwickelt dank spielerischer Umsetzung und den frappierenden Dokumenten aber einen eigentümlichen Charme, zu dem ein federleichter Jazzscore (Peter Scherer) beiträgt. Das wortlose Finale, das die Nachgeschichte des Hauses zusammenfasst, ist ein Glanzstück atmosphärisch dichter Montage. Der Uferweg, der an Grays Haus vorbeiführt, ist einer simplen Blockhütte wegen übrigens bis heute nach Le Corbusier benannt.