What do we expect from cinema? That it gives us news of the world, at least, for those who no longer watch television. Romanian filmmaker Cristian Mungiu (winner of the 2007 Cannes Palme d'Or for 4 months, 3 weeks, 2 days) gets the message loud and clear in R.M.N., which takes the pulse of contemporary Europe. The setting: a multi-ethnic village in Transylvania. The characters: a worker who has fled his job in Germany, the assistant of a company director about to hire two Sri Lankan employees, a Frenchman commissioned by the European Union to study the biodiversity of Romania's forests. The context: today's neoliberal Europe and the identity movements that are proliferating across the continent. The final scene - a village assembly, where the fate of the Sri Lankan workers is decided - is filmed in such masterly single shot that we are left to wonder whether, after all, cinema is still the best language in which to speak about reality.

Qu’attend-on du cinéma ? Qu’il nous donne des nouvelles du monde, au moins, pour celles et ceux qui ne regardent plus la télévision. Message reçu cinq sur cinq par le cinéaste roumain Cristian Mungiu (palmé à Cannes en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours) qui, dans R.M.N. (présenté l’an passé sur la Croisette en compétition), prend le pouls de l’Europe contemporaine. Le décor : un village multiethnique en Transylvanie. Les personnages : un travailleur qui a fui son emploi en Allemagne, l’assistante d’une cheffe d’entreprise sur le point d’engager deux employés sri-lankais, un Français mandaté par l’Union Européenne pour étudier la biodiversité des forêts roumaines. Le contexte : l’Europe néolibérale d’aujourd’hui et les mouvements identitaires qui pullulent un peu partout sur le continent. La scène finale – une assemblée villageoise, où il est décidé du sort des travailleurs sri-lankais – est filmée en plan séquence de manière si magistrale qu'on se dit qu'après tout, le cinéma est peut-être encore le meilleur langage pour parler du réel.

Was erwarten wir vom Kino? Unter anderem, dass es uns Nachrichten aus der heutigen Welt liefert, zumindest für diejenigen, die nicht mehr fernsehen. Der rumänische Filmemacher Cristian Mungiu, 2007 Gewinner der Goldenen Palme mit 4 Monate, 3 Wochen, 2 Tage, steht unmissverständlich für diese Auffassung von Filmkunst. Dies belegt auch sein neues Drama R.M.N., das 2022 ebenfalls in Cannes lief und dem Europa der Gegenwart magistral den Puls fühlt. Der Schauplatz: ein multiethnisches Dorf in Transsylvanien. Die Figuren: ein Arbeiter, der vor seinem Job in Deutschland geflohen ist, die Assistentin einer Firmenchefin, die kurz davor steht, zwei Arbeiter aus Sri-Lanka anzustellen und ein Franzose, der im Auftrag der EU die Biodiversität der rumänischen Wälder erforschen soll. Der Kontext: das neoliberale Europa von heute und die Identitätsbewegungen, die überall auf dem Kontinent wuchern. Die Schlussszene, eine Dorfversammlung, in der über das Schicksal der beiden Singalesen entschieden wird, ist in einer einzigen beeindruckenden Einstellung gefilmt. Vielleicht ist das Kino noch immer die beste Sprache, um über die Realität nachzudenken.

R.M.N. (I.R.M. en français) du cinéaste roumain multi-récompensé Christian Mungiu raconte comment un village pluriethnique de Transylvanie va se liguer contre des travailleurs étrangers sri-lankais. Les paysages hivernaux, la rudesse des personnages et leurs relations conflictuelles, l'atmosphère inquiétante dans la forêt par la présence d'animaux sauvages donnent au film un air de thriller glaçant. Le personnage charismatique de Csilla, la jeune patronne de la fabrique de pains qui tient tête à son amant et aux villageois force l'admiration et représente l'espoir de lutter contre le nationalisme qui s'infiltre inexorablement dans ces pays d'Europe de l'est à la paupérisation structurelle. Saisissant et nécessaire.

R.M.N. est une œuvre complexe et politique, qui entre en résonance avec son temps et pousse le spectateur à s’interroger et prendre part aux grands enjeux de notre époque.

En donnant naissance à une famille décomposée au cœur d’un village de la Transylvanie, Cristian Mungiu décrit avec force la déchirure d’un pays qui s’abandonne au racisme et au nationalisme. Un film sidérant.

Avec son naturalisme qui parfois tutoie l’étrange, voire le fantastique, ses dialogues brillamment écrits et son interprétation convaincante, la fable sociale sombre et complexe que Cristian Mungiu signe s’avère une fascinante expérience.