Der vielleicht grösste Revolutionär der westlichen Malerei begann seine Laufbahn als Sohn eines Zeichenlehrers aus Málaga, gedrillt im akademischen Stil, gegen den er schon als Heranwachsender aufbegehrte. Als der 19jährige Pablo Picasso um 1900 erstmals nach Paris kam und dort die Impressionisten, die Bohème, Bars und Bordelle entdeckte, explodierte sein ungestümes Talent. Der britische Dokumentarfilmer Phil Grabsky, vielfach preisgekrönter Spezialist für bildende Kunst und klassische Musik, zeichnet diesen Exploit im Künstlerischen und Privaten mit einer souveränen Mischung aus Zeitzeugnissen, Werken und Experteninterviews nach. Atemberaubend dicht gelingt ihm der Abriss der blauen Trauerperiode nach dem Selbstmord von Picassos engstem Freund und Liebeskonkurrenten, ebenso die Zeichnung der rosa Phase, in der sich der Künstler gern als traurigen Unterhalter der bürgerlichen Gesellschaft darstellt, während der wankelmütige Latin Lover Picasso seine erste lange Beziehung erlebt. Höhepunkt ist das Finale: Picasso stösst in staubigen Pariser Museen auf die aussereuropäische Raubkunst aus den französischen Kolonien und lässt sich davon 1907 zu seinem kubistischen Durchbruchswerk Les Demoiselles d’Avignon inspirieren, auf dem fünf teilabstrahierte Prostituierte den Blick der Betrachtenden provokativ erwidern. Auch dieses Schlüsselbild wird von Picasso-Kenner:innen vielschichtig kommentiert, und Grabsky setzt den besten Ratschlag sogleich um: einfach dreissig Sekunden lang hinschauen. Man begreift von selbst, warum die Kunst danach nie mehr dieselbe war.

Le peintre le plus révolutionnaire de l’histoire de l’art occidental a fait ses débuts comme fils d’un professeur de dessin à Malaga. Formé au style académique, il s’insurge contre celui-ci dès son adolescence. Lorsque Pablo Picasso, né en 1881, débarque à Paris vers 1900, il y découvre les impressionnistes, la bohème, les bars et les bordels. Son talent, en constante effervescence, explose. Le réalisateur britannique Phil Grabsky, spécialisé dans les documentaires sur l’art, la musique et l’histoire, retrace ce parcours avec une maîtrise remarquable, mêlant témoignages d’époque, œuvres et interviews d’expert·es. Il parvient à résumer avec une densité saisissante la période bleue, marquée par le chagrin qui accable Picasso après le suicide de Casagemas, son plus proche ami et son rival amoureux. Il brosse aussi un portrait sensible de la période rose, durant laquelle l’artiste se représente souvent comme un clown triste divertissant la société bourgeoise. À cette même époque, le Don Juan au tempérament instable vit sa première relation de longue durée. Le point culminant du film est sa conclusion: Picasso découvre, dans les poussiéreux musées d’«ethnographie» parisiens, l’art extra-européen volé aux colonies de la «Grande Nation». De cette découverte découle Les demoiselles d’Avignon, œuvre fondatrice du cubisme achevée en juillet 1907: cinq prostituées, figurées de manière partiellement abstraites, fixent le·la spectateur·ice d’un regard provocateur, comme à travers des masques magiques. Ce tableau clé est analysé avec intelligence sous plusieurs angles. Mais c’est Grabsky qui livre le meilleur – et le plus simple – des conseils: regarder cette œuvre pendant trente secondes. On comprend alors par soi-même pourquoi l’art en fut changé à jamais.

Le jeune Picasso remet très bien en perspective l’effervescence de la vie parisienne de ce début du XXème siècle, grande source d’inspiration pour tous ces artistes. Même si on regrette l’emploi d’un trop grand nombre d’images contemporaines de la ville et des habitants de Malaga pendant les témoignages des experts, Le jeune Picasso donne à voir de façon très esthétique l’analyse de certaines des œuvres de Picasso au regard de sa vie pour le moins fascinante. Et surtout, ce film qui ne s’adresse pas qu’aux seuls initiés mais bien à un large public, donne envie de se confronter à nouveau à ses œuvres et d’aller remettre les pieds dans les musées qui les accueillent.